Paroles de managers : « Ca ne sert à rien d’avoir raison si c’est pour échouer »

L’entreprise :

Une entreprise industrielle installée dans la zone industrielle de Aîn Sbaa, filiale d’une multinationale opérant dans un secteur de haute technologie, et sur un marché très concurrentiel. Une partie de la production est destinée à l’export le reste est écoulé sur le marché local.

Le manager :

Le directeur général, nouvellement nommé à cette fonction, est chargé d’amener l’entreprise à un niveau de performance technique, économique et humain, équivalent à celui en vigueur dans les autres unités du Groupe, opérant en Asie et en Europe de l’Est.

Le constat de départ

L’entreprise souffrait d’une culture industrielle peu productive, dépassée techniquement et humainement…La culture commerciale était quasiment absente, le système d’information, le contrôle de gestion et les procédures de reporting embryonnaires.

Le personnel, vieillissant et formé sur le tas, était  certes composé de gens de métier avec un bon background en industrie mais sans aucune connaissance des outils modernes de gestion.

Conclusion : ou bien l’entreprise parvient à redresser la situation et appliquer strictement les méthodes de gestion de la maison mère, ou bien elle allait être fermée et son activité redéployée dans un autre site  du Groupe quelque part dans le monde.

La démarche adoptée

Pour répondre à cette situation le nouveau Directeur Général décide d’actionner rapidement deux leviers principaux qu’il avait déjà eu l’opportunité d’utiliser dans une autre filiale du Groupe :

  • La qualité totale : dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit
  • Le système d’information : pour agir il faut savoir

En quelques mois l’ensemble de l’entreprise était mise sous pression maximum avec  des réunions interminables et des dead lines très stricts pour se mettre à niveau dans des domaines aussi variés que ;

La revue  des processus métiers et supports

La formalisation des procédures

La définition  d’indicateurs de performance

L’instauration des méthodes de reporting en vigueur dans le Groupe

La systématisation du contrôle interne

L’Implémentation des  ERP

…etc…

Une quantité énormes de documents est produite sur supports électroniques et papiers : diagnostics, scénarii, comptes rendus, cartographies,cahiers de charges,  logigrammes, audits blancs…. etc

Les manifestations de la crise :

Une année plus tard, lors de  la réunion annuelle  de présentation des résultats d’exploitation le Directeur Général déclare  aux membres du comité de direction que tous les indicateurs sont au rouge : chiffre d’affaire,  volume de production. Etc…

Même le recouvrement qui ne posait pas de problème particulier a chuté depuis qu’on a mis en place les  nouvelles procédures issues du « Total Quality Management ».

Par ailleurs les résultats du sondage d’opinion interne indiquent que le climat interne n’est pas bon et que des tensions apparaissent ente différentes entités de l’entreprise depuis qu’on affiché les indicateurs Qualité par service.

Les commerciaux par exemple se plaignent de passer plus de temps dans les bureaux à remplir les comptes rendus que leur exige le chef de projet qualité qu’à s’occuper des prospects et des clients.

Les collaborateurs du service marketing justifient leur manque de réactivité  face aux concurrents par l’obligation de ne rien diffuser qui ne soit conforme à la charte graphique imposée par les procédures Qualité.

Le Directeur Général conclut son exposé en prononçant cette   phrase » messieurs « Ca  ne sert à rien d’avoir raison si c’est pour échouer « 

Le commentaire du consultant

Le Directeur Général convaincu de l’utilité de sa démarche et emporté par l’enthousiasme de sa « fraîche » nomination à un poste de responsabilité de haut niveau a commis deux erreurs :

  • « Il aeu tort d’avoir raison tout seul »
  • Et « il aeu tort d’avoir raison trop tôt »

Si on met les hommes au service des procédures on ne fait pas vraiment de la qualité totale. Celle-ci ne peut être réduite à un formalisme normatif qui bureaucratise l’entreprise.

En réalité les procédures et le formalisme, comme l’ensemble des outils de management moderne, sont des moyens pour promouvoir la responsabilisation et l’autonomie de chacun.

Elles ne devraient pas se transformer en obstacles à l’initiative et à la réactivité et réduire le rôle des hommes et des femmes à la simple exécution de consignes et  au strict respect des indicateurs.

Si on peut se permettre une extrapolation au monde de la musique, que l’on écoute une jazz band sur une improvisation ou bien un orchestre philharmonique sur une partition de musique classique, l’essentiel c’est la qualité de la musique qu’ils produisent, peu importe si elle a été improvisée ou formalisée dans une partition.

Par ailleurs la standardisation des méthodes de management et l’uniformisation des modes de gestion appauvrit la créativité de l’entreprise et inhibe l’effort d’imagination dont peuvent faire preuve les salariés dans l’exercice quotidien de leur fonction.

En tout cas c’est ce qu’il advient, lorsque l’on refuse d’admettre que la meilleure des procédures  c’est celle qui est faite par et pour  les intéressés eux même.

La réussite du changement nécessite enfin, d’impliquer  les collaborateurs en amont et tout au long du processus d’amélioration. Elle exige également que l’on procède par étape et que l’on laisse aux gens la possibilité de digérer les transformations apportées avant d’en déclencher d’autres.

Omar BENAINI

Consultant Associé

LMS Organisation & RH

Professeur de management à l’ENCG